Croquis (4)


Marilyn

 

Dents blanches dévoilées. Les coins de sa bouche aux contours rehaussés d’un rouge éclatant se relèvent dans un mouvement automatique, quasi incontrôlable. Souris, ai l’air naturelle, fais comme si tu étais habituée au bonheur, et n’oublie pas de sourire avec les yeux aussi.

La statuette dorée qu’elle tient entre ses mains renvoie de multiple reflets vers son visage déjà écrasé par la puissance voltaïque des projecteurs, des taches jaune pâle, toutes en demi-teintes, venant atténuer cette accumulation de couleurs criardes qui ressortent encore plus sous l’éclairage cru.

Le blanc virginal de la robe à volants, les mille éclats des diamants à son cou, le carmin tentateur de sa boucle, le noir insondable de ses yeux et le blond platine de sa chevelure, qui pourrait s’avérer plus lumineux que l’éclairage public de certains quartiers de la ville.

Elle sourit, ne cesse de sourire. Tourne la tête ici, puis là, puis encore ici pour répondre aux sollicitations de tous les photographes, cameramen, journalistes, fans. Les muscles de sa bouche commencent à trembler, le sourire se fait rictus.

Elle descend les quelques marches de l’estrade tapissée de rouge. La voilà partie dans une tournée d’embrassades et de bises à n’en plus finir. Éblouie, elle se sent prise de vertige, le sourire s’estompe progressivement pour faire de furtives réapparitions, uniques réponses aux platitudes congratulatoires qu’on lui assène encore et encore.

Le regard se brouille, un peu perdu dans cette marée humaine qui la submerge, elle se retourne une dernière fois vers la scène. Son front brille d’émotion, ses pommettes sont rougies par la chaleur ambiante, sa bouche a perdu tout le carmin qu’elle y avait soigneusement apposé quelques heures auparavant. Hagarde, elle a tous les airs d’un ange déchu prenant lentement conscience que son heure de gloire, si intense, touche déjà à sa fin.

Un dernier flash crépite en un éclair au fond de ses prunelles étonnées. Détachant son téléobjectif de son appareil, le photographe de tabloïd remballe son matériel, satisfait d’avoir enfin obtenu le cliché qu’il lui fallait.

 

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Image de amaianos

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